Adolescent,
il y avait un jeu que j’appréciais particulièrement, le flipper. Mettre une pièce
de 50 centimes dans la machine. Trois balles disponibles avant le « game
over » fatidique, sauf si l’on obtenait l" extra ball », encore et encore
pour prolonger la partie indéfiniment.
Aujourd’hui,
il me reste une balle. Le « same player shoot again » est de plus en plus
difficile à obtenir. Le vent a tourné, la partie est rude, mais je m’accroche
encore, la balle virevolte, m’échappe, je la rattrape, elle s’échappe à nouveau...
je fatigue.
Une fois de
plus, le liquide bleu s’écoule dans mes veines. L’oncologue a décidé de procéder
à la chimio, car l’augmentation des PSA est minime. Il a suivi l’avis de ma
généraliste, et a programmé une scintigraphie... pour demain.
Mardi matin,
7 h 30, je suis sur la route. La journée va être longue, très longue,
mais ça, je ne le sais pas encore.
Le stagiaire
trépigne à l’idée de pouvoir me percer les veines. Je commence par le
descriptif de la situation. Circuit veineux HS ! L’infirmière préfère prendre
les choses en main, je suis soulagé, et l’en remercie. Dommage pour le
stagiaire, mais je commence à refuser l’obstacle, marre de souffrir.
Le premier
essai est un fiasco. Le deuxième finit par aboutir. Le liquide radioactif se
mélange à mon sang bleu. Je dois revenir à midi et quart pour la suite des
opérations.
Ma compagne
et moi-même tentons une sortie en ville, histoire de faire passer le temps. Le
froid intense qui règne va nous obliger à un repli stratégique dans la
clinique, plus tôt que prévu. L’attente est longue.
Retour au
service de médecine nucléaire. Nouvelle attente avant que je ne sois enfin convié
à m’étendre dans la machine. Vingt minutes sans bouger le moindre muscle. J’ai
froid.
Retour en
salle d’attente avant interprétation des clichés. Et voilà l’imprévu ! on me
signale que je dois repasser dans la machine dans vingt minutes pour des
clichés complémentaires. Je vais donc attendre docilement, me disant que
certains clichés ne sont pas forcément nets, vu que j’ai un peu bougé à cause
du froid.
Je suis de
nouveau installé sur la table et... sanglé. Voilà, bien fait pour toi, fallait
pas bouger ! Mais je vais vite comprendre que ce n’est pas le problème.
Le
comportement de la machine est différent. Au lieu de me scanner à plat, elle
tourne autour de mon bassin. Un joli 360, avant de remonter pour procéder
à la même manœuvre autour de mon crâne. Je suis libéré au bout d’un bon quart d’heure,
direction la salle d’attente, sans aucune explication.
C’est à
quinze heures que je suis reçu par un médecin à la mine sombre. Je ne suis pas
étonné de sa gravité, vu que cela fait de longues minutes que mon esprit étudie
plusieurs scénarios. Après quelques raclements de gorge, il se lance.
« Vous
ressentez des douleurs au niveau osseux ? ». Je lui décris donc mes problèmes
et mes céphalées.
« Vos
lésions osseuses progressent, particulièrement au niveau de l’aile iliaque
droite, ainsi que l’apparition d’un point sur l’os occipital gauche », « Le
maxillaire supérieur droit et gauche sont aussi touchés »
cela ne fait
que confirmer mes craintes. Je dois maintenant rejoindre mon ange gardien afin
de voir s’il a dans sa besace une « extra ball » me permettant de continuer mon
voyage.
« Je n’ai
pas grand-chose à vous proposer. Quelques séances de radiothérapie
éventuellement, cela peux fixer vos lésions. » J’accepte, car, que faire d’autre.
Il se met une fois de plus sur la défensive
quand je lui demande si cela va résoudre mon problème de céphalées.
« Je ne sais
pas, je vous propose cela pour vous rendre service, mais il faut vous dire qu’après
cela, il y aura autre chose ! »
Mon décodeur
me renvoie ceci : je ne peux plus te soigner, je te rends simplement service,
car il n’y a plus rien à faire, les choses vont continuer à empirer. Vous
remarquerez bien que nous sommes dans le service à la personne, plus dans le
soin. J’adore sa façon de me remonter le moral !
Je pense qu’il
va être nécessaire de mettre un terme à notre relation. Nous sommes de moins en
moins sur la même longueur d’onde, les incompréhensions se multiplient, il n’a
plus rien de motivant à me proposer, je suis dépité...
Je quitte bordeaux
nord pour rencontrer ma généraliste. (Eh oui, le marathon n’est pas terminé !).
Je suis reçu entre deux patients, vu que je n’ai pas de rendez-vous. Elle prend
connaissance des résultats. Cela la conforte dans son diagnostic. Elle ajuste
mon traitement antalgique à la situation.
Vendredi
matin, scanner de centrage avant cinq séances de radiothérapie. Cela veut dire
des heures à passer sur la route, de la fatigue, pour un résultat aléatoire.
Ce matin, le
lever est difficile. Je suis extrêmement fatigué. Le moral n’est pas au beau
fixe. Je sais, je dois être courageux, garder le moral, me battre.... Après tout, je suis encore en vie, comme à su
me le dire une connaissance, rajoutant qu’il me faut juste bien manger et
dormir, et que tout va s’arranger ! Vous vous doutez bien que cette personne
est classée dans ma case « toxique, à éviter »
J’avoue
ressentir parfois de l’animosité devant certaines réflexions. Le bien portant
ne se rend pas toujours compte de la portée de ses mots, mais je n’ai plus
envie de batailler avec cela, cela m’attriste simplement.
Bon,
laissons la bêtise de côté. Je vais remettre mon armure et reprendre ma route,
essayant de traverser au mieux cette nouvelle épreuve, à la recherche de « l’extra
ball » qui va m’éviter le « game over ».
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