Cancer, l'heure des choix, l'heure des doutes ...

Cela fait deux heures que je me tortille sur cette chaise, dans la salle d'attente de l'institut Bergonié. Deux heures que le doute m'assaille, que l'envie de fuir me tenaille. Deux heures d'un combat entre mon cœur et mon esprit, le premier me disant "que fait tu là? l'homme en blouse blanche qui te suit a fait du bon boulot, tu es en train de le trahir! » Le deuxième me soufflant à l'oreille " Tout va bien, la prise en charge va être plus adaptée à tes attentes, et tu vas bénéficier d'un autre regard sur ta situation". Une heure trente de retard, c'est horriblement long, quand on n’est pas serein!

À l'origine, je devais être pris en charge par une femme, cela me convenait. Mais c'est finalement un homme qui va s'occuper de mon cas. En l'occurrence, le responsable du service urologie. La porte s'ouvre donc, un homme d'une quarantaine d'années me convie à entrer. Il est secondé par un interne, dont j'accepte la présence. C'est fait, les dés sont jetés, la porte se referme derrière moi.

Je me suis préparé à cet entretien. Pourtant, mon esprit est confus, je ne suis pas en mode "warrior", ou alors débutant! La suite va être pour moi un vrai cauchemar!

L'homme se présente. Il annonce aussi la couleur: " Je suis franc, direct, j'explique tout, le bon comme le mauvais". C'est exactement ce que j'attends! Il a déjà consulté les CD d'imagerie, remis à mon arrivée. Il me demande de décrire mon parcours et mes attentes. Jusque là, parfait. Mon débit verbal est lent, mon esprit est confus, je sens bien que je n'assure pas, et les interventions de ma compagne confirment mon ressenti.

Il consulte en parallèle les comptes rendus de mon oncologue. "Il a fait un travail admirable! Il a utilisé les dernières techniques préconisées. C'est comme si vous étiez entré dans un protocole thérapeutique, même moi, je n'aurai pas osé faire cela!"

C'est comme un coup de massue! Le doute me submerge. Mais pourquoi cet homme ne me l'a pas présenté de cette manière? Suis en train de faire le bon choix?

En face de moi, il me bombarde de questions. Mon esprit est tellement embrumé que je suis obligé de chercher les réponses dans les documents en ma possession. Mais ce n'est pas ce qu'il veut, c'est un entretien, pas une séance de lecture! Il me déstabilise sans cesse. Les questions sont précises, les explications aussi. Le ton est sec, parfois autoritaire. Le visage très expressif .. . le contraire de ce que j'ai vécu jusqu'alors.

C'est le ton utilisé, et certaines expressions du visage, que je considère peu amicales qui me bloque. Mon aversion pour l'autorité me met sur la défensive. Nous sommes des êtres vraiment compliqués! Et encore une fois, la psychologie dans le soin semble défaillante. Il est médecin, il perçoit ma confusion, mon hésitation, mais il ne comprend pas que le ton utilisé ne m'est pas adapté! dommage.

Brutalement, il me donne l'ordre de me déshabiller. Ah ah ah! mon petit doigt me dit que cela va être douloureux! Ils ont toujours une curieuse manière de souhaiter la bienvenue en urologie! " je vais vous examiner " ... et cela ne manque pas! " vous ne voyez pas d'inconvénient à un toucher rectal?" Le petit doigt avait raison!

Ben si, je vois un inconvénient, je souffre mentalement et je n'ai pas l'intention de souffrir physiquement! Il est déçu, le visage contrarié il demande à l'interne de procéder au reste de l'examen. Pendant ce temps, il s'entretient avec ma compagne, et lui fait part du fait que de nombreux patients quittent bordeaux nord pour bergonié, décision en lien avec la personnalité de l'oncologue.

L'interne s'exécute, plein de prévenance, de douceur, méticuleux. Cela m'apaise un peu. Il s'attarde sur mon épaule et mon problème de paresthésie, puis rend ses conclusions au patron.

Ce dernier est visiblement contrarié. Nouveau bombardement de questions. Il commence en mettre en place un protocole puis, s'arrête. Il vient de réaliser que je suis hésitant. " Vous voulez que je vous prenne en charge ou non" le ton est peu amical "je dois m'organiser et j'ai de nombreux malades qui m'attendent" en clair décide toi vite, j'ai d'autres choses à faire que me d'apitoyer sur ton cas ( c’est la traduction de mon cerveau, peut être pas la bonne)

J'ai deux secondes de réflexion à ma disposition. Son visage est fermé, le regard noir. Cela m'énerve! J'accepte du bout des lèvres, un plan pas tout à fait honnête a jailli dans mon esprit.

Il me propose une IRM, car il veut voir si mes soucis de paresthésie ne sont pas en lien avec les métastases au niveau de la colonne vertébrale. Une prochaine consultation début janvier, avec un bilan sanguin complet.

Je vais donc attendre cette consultation et voir la tournure des événements. Je n'annule pas mon rendez-vous à bordeaux nord du 17 février, pour l'instant. J'ai décidé de ne pas me fermer cette porte, ma décision définitive interviendra début janvier, et c'est a ce moment-là que je vais fermer une des deux portes.

Je suis allé chercher des réponses, pour l'instant je n'ai trouvé que le doute et la peur. Sous mon crâne, c'est la tempête, le navire prend l'eau, les voiles sont déchirées, mais la coque résiste. Lecteurs, si vous avez des avis, des réflexions, n'hésitez pas à m'en faire part, je suis preneur.