Septembre est bien entamé, il y a maintenant 24 mois que les
premiers symptômes visibles de mon cancer se sont déclenchés. Depuis, je dois
composer avec ce colocataire bien encombrant.
le temps, notion bien étrange, il s’accélère parfois ou ralenti,
suivant la situation. Difficile de lâcher prise avec ce temps qui passe
inexorablement, particulièrement quand vous avez en vous cette notion que vous
êtes mortel. Cette idée que vous avez occultée toute votre vie et qui vous
bondit à la figure le jour ou l’on vous annonce ; « profitez du temps qu’il
vous reste, ne vous privez pas ».
Depuis décembre 2015, je compte les jours gagnés, les jours
passés à la clinique, le nombre de chimios que mon corps doit digérer, les
moments ou je peux m’évader... je compte, c’est plus fort que moi, je n’arrive
pas à lâcher prise avec le temps.
Je viens de profiter de dix jours de liberté au volant de
mon van, dix jours c’est peu et beaucoup à la fois. La maladie s’est écartée de
mon esprit durant cette période, même si mon colocataire n’a pu s’empêcher de
se rappeler à moi régulièrement. Au volant de mon taxi, c’est là que je me sens
le mieux, libre. Il m’arrive parfois de caresser le projet de partir en solo (ma
compagne étant coincée par son boulot) pour un road trip de plusieurs semaines,
pour faire un tour de France par exemple, ou plus. À voir......
Je suis sur l’autoroute, direction la clinique, pour ma dix
septième chimio. J’ai l’impression que cela fait trois mois que je n’y suis pas
allé, alors que ne se sont écoulées que trois semaines. Je compte encore...
Il
reste une dix-huitième séance avant de faire le bilan, et ce bilan, je le
redoute beaucoup plus que les précédents. Si le jevtana s’est montré
inefficace, les solutions vont sérieusement se réduire, car mon foie, lui, n’attendra
pas pour me mettre au tapis.J’essaye d’occulter cette idée-là, mais la sourde douleur
hépatique qui me tenaille me rappelle régulièrement à la réalité.
Je rencontre mon oncologue du jour, une remplaçante. Mes PSA
sont repartis à la hausse, mais elle se veut rassurante. Moi, je suis
sceptique. Qu’importe, je suis là pour recevoir ma dose, et surtout, obnubilé par l’envie de quitter cet endroit !
Beaucoup d’infirmières ce matin dans le bureau ! Jeunes
infirmières et élèves principalement. Des visages inconnus. Et me voici
embarqué pour la séquence gore !
Elle est jeune, joviale et inexpérimentée la petite brune à
laquelle je donne quelques indications sur les problèmes qu’elle va rencontrer
et les trajets à suivre.La plongée de l’aiguille est brutale, trop en profondeur. La
fouille ne donne rien. Deuxième essai, même constat. On s’acharne un peu et le
sang jailli enfin. J’ai l’impression d’être à la boucherie du coin ! j’en ai
plein le bras. Elle se confond en excuse... j’essaye de la rassurer... je suis
comme ça ! Je souffre avec le sourire et compassion pour la pauvre infirmière
qui galère ! mais diantre que ça fait mal !
La suite, comme d’habitude, je dors. C’est une élève qui à
la charge de me déperfuser. Je reste un bon moment à compresser ma veine
pendant qu’elle se bataille avec la tuyauterie qui s’est emmêlée, oubliant le
patient qui attend son pansement !
La situation est cocasse. Elle fait référence aux deux
infirmières qui la regarde... et là nous lui révélons que ce n’est pas deux,
mais quatre qui observent la scène !
La jeune femme qui m’a perfusé réalise à cet instant que sa
maladresse ne m’a pas échappé et demande pourquoi je ne lui ai pas révélé mon
ancien métier. Je trouve cela amusant, si je l’avais fait, j’accentuai un peu plus
la pression, j’imagine le résultat !
Je raconte souvent ces scènes, ce n’est pas pour dévaloriser
ces personnes qui s’occupent de nous, mais plutôt pour montrer qu’il est
possible de prendre du recul avec la douleur, de l’accepter, de la supporter,
de la surmonter, du moins jusqu'à un certain point. Tout est dans le mental
C’est aussi pour montrer qu’il faut être un minimum indulgent.
Il ya une longue phase d’apprentissage pratique dans ce métier. Les équipes
sont jeunes et manquent d’expérience, il faut leur laisser du temps, même si c’est
douloureux ! Cela me rappelle mes débuts. Avant de pratiquer sur un patient, il
y avait cette phase où en cours, nous
nous entraînions à la pratique entre nous, chacun prêtant ses veines à tour de rôle,
ou ses fesses !
Trois semaines d’attente avant la dernière chimio. Lutter
avec les effets indésirables tout en continuant à vivre, voilà le programme. J’espère
pouvoir reprendre la route, même si nous entrons dans une saison moins
agréable. Chaque départ est un moment de relâchement, de bien-être.
Mes petites balades, vous pouvez les retrouver ici : https://vanantidote.blogspot.fr/
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