Mon corps commence à s’habituer à la polaramine qui est
injectée avant la chimio. Mon besoin de dormir est moins brutal, et le sommeil
plus léger. C’est la dernière de la série. Dernière fois que le jevtana coule
dans mes veines, du moins c’est toujours ce que l’on espère quand on regarde l’infirmière
nous perfuser...
Dans cette phase de demi-sommeil où je me trouve aujourd’hui,
j’ai rejoint cette petite planète intérieure. Je suppose que tous les patients
en lutte avec leur colocataire en ont une. Cette planète est sujette aux aléas
de la météo, comme sur terre. Ce matin le ciel est couvert, les nuages noirs à
l’horizon bouchent le lointain.
L’oncologue, toujours la remplaçante, consulte mon bilan. Son
regard se fige sur la case PSA. 23,47. Elle consulte mon dossier pensive.
« Là, il y a un problème, manifestement nous sommes arrivés
aux limites de la chimiothérapie, cela ne fonctionne plus. »
Cela fait déjà quelques jours que je suis arrivé à la même
conclusion. Mais l’entendre de la bouche de l’oncologue, cela ne fait pas le même
effet. Ces mots qui viennent confirmer ce que l’on pense, c’est comme un coup
de poignard, c’est douloureux, car instantanément on se demande, « et
maintenant ? » l’horizon se bouche.
Sur ma petite planète, je regarde l’horizon et ses nuages menaçants.
Je suis installé sur la dune, à mes pieds, les vagues se brisent sur la plage.
Cela m’apaise. Je dois me préparer au prochain combat, bien que mon armure se
fissure par endroit, rongée par la rouille qui s’installe avec le temps.
L’oncologue décide de précipiter les prochains examens, pas
question d’attendre. Je suis convié à la prochaine séance photo pour le 20 du
mois. Une longue séance qui va débuter à 9 h 30 par la scintigraphie,
suivie du scanner et se terminant à 18 h par la rencontre avec l’onco, l’officiel
cette fois-ci.
Le sable s’écoule lentement entre mes doigts, comme la vie
qui file inexorablement. Je sais qu’il est impossible de l’arrêter, de le figer,
mais est-il encore possible de le ralentir ? Que reste-t-il dans l’arsenal de mon
ange gardien, que puis je faire moi-même ? Autant de questions qui me
taraudent.
Quand le cancer s’invite, l’on se retrouve face à un besoin
immense d’informations. Alors on se documente, encore et encore. L’on trouve
des tonnes de propositions de médecines parallèles. Des études plus aux moins
sérieuses, des marabouts qui soignent le cancer ou dépannent votre ordinateur à
distance, des essais prometteurs, mais qui ne décollent pas, car ils ne font
pas appel à l’arsenal médicamenteux classique.
Sur ma petite planète, je me suis toujours dit qu’il était
possible, au travers de toutes ces informations de trouver le petit truc en
plus qui va aider. Alors je me suis penché sur ce qui m’a semblé le plus
sérieux et qui était étayé par des recherches scientifiques plus ou moins
abouties.
La chose qui m’intéresse le plus est comment
les cellules cancéreuses se nourrissent-elles. Je me suis penché tout d’abord
sur les polyamines. Cet élément est fabriqué par le corps et se retrouve dans l’alimentation.
Des études réalisées en France ont démontré qu’il était possible d’appauvrir
son alimentation en polyamine et donc de priver le cancer d’une part de son
alimentation. Alors depuis le début j’ai modifié mon alimentation dans ce sens.
Visiblement sans succès.
Le jeune. Employé dans certains pays avec semble-t-il de
bons résultats. Impossible pour moi de ne pas m’alimenter. Il est déjà tellement
difficile de contrôler son poids ! Depuis un mois je perds régulièrement des
kilos, et cette énergie qui fout le camp, j’en ai besoin. Mais cette piste n’est
pas inintéressante, car à ce moment l,à il paraît évident que l’on prive le
cancer de carburant.
Le sucre. Tous s’attachent à dire que c’est le principal aliment
des cellules cancéreuses. A bien y réfléchir, j’ai constaté chez moi depuis le
début de ma maladie, une forte demande de mon corps pour cet élément. Ce besoin
impérieux de sucre, ce traduisant par une augmentation notable de ma glycémie.
Depuis quelques semaines, j’ai considérablement réduit ma
consommation de sucre. C’est cette piste que je vais explorer. Il existe un
mode d’alimentation, le régime cétogène, qui ressemble à une sorte de jeune contrôlé.
Pas de sucre dans l’alimentation, juste des lipides et protides.
Là ou j’en suis, je ne risque rien d’essayer. Remplacer le
carburant de mon corps par une autre, c’est comme pour nos véhicules, bannir
les hydrocarbures pour l’électricité ! Obliger son corps à produire des cétones
et se nourrir avec, à la place du sucre. Les cétones ne sont pas consommées par
les cellules cancéreuses. Des études montrent qu’il y a parfois un arrêt du
développement de ces cellules, voire une régression.
Je ne sais pas ci cela va servir à quelque chose, mais je
suis prêt à continuer ce combat, de toutes les manières possibles, jusqu’au
bout.
Depuis ma petite planète, je regarde le monde des vivants s’agiter.
Cela fourmille dans tous les sens, court, se gâche parfois la vie avec des
choses sans importance. Qu’est-ce qui est le plus important ?
Profiter ! profiter de ce temps très court et aléatoire qui
nous est octroyé, délester notre navire trop lourd et naviguer, encore et
encore avant de traverser la frontière vers cet inconnu que l’on nomme l’au-delà.
Ne pas se laisser emporter par ses angoisses et sombres pensées, se raccrocher
à cette petite flamme qui brûle en nous, nommée désir de vivre.
Je quitte ma petite planète en empruntant la sente qui me
ramène vers le monde des vivants dont je fais partie. Il est temps de rentrer
chez moi...
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