Je ne vais pas vous guérir monsieur ! cette phrase a le don de me
mettre de mauvaise humeur. Pourtant, une fois de plus mon oncologue va la
prononcer. Nos retrouvailles vont s’avérer un peu tendues et compliquées.
Des mois se sont écoulés depuis ma dernière chimio. C’est aujourd’hui que tout va se jouer. Mon ange gardien nous reçoit, et très vite je peux percevoir chez lui de la nervosité, ce qui n’augure rien de bon pour la suite.
Il cherche sur son pc à imprimer les résultats de la biopsie. Sans
succès. La machine refuse obstinément de coopérer. Au bout d’une dizaine de
minutes, il essaye de me donner les conclusions de mémoire.
La biopsie n’a fait que confirmer l’origine prostatique de la
tumeur. Aucun élément nouveau exploitable.
Un espoir qui s’écroule. J’attends la suite, mais rien ne vient.
Il sort de la pièce, et revient quelques minutes plus tard accompagné d’un
informaticien, pour résoudre son problème de pc. Il est passablement nerveux,
et s’emporte un peu contre ce brave homme qui fait ce qu’il peut. La situation
se débloque enfin.
Cela fait un moment que je suis silencieux. Je sens bien que l’on
attend de moi une réaction, et moi j’attends de lui des précisions. Dialogue de
sourds bien entamé !
Telle une cocotte minute, je sens la pression monter en moi, la
vapeur commence à sortir par mes oreilles en sifflant. » Alors, que faut-il faire ? »
Je perçois mon agressivité dans mon intonation, pourtant mon intention n’est
pas de l’agresser, mais je souhaite qu’il développe.
Il est gêné, très gêné quand il prend la parole. « Je vous propose
de reprendre une chimio, le jevtana...
“Mais monsieur, cela n’a pas fonctionné, alors quel intérêt ?”
“Le jevtana ou le taxotère... ou autre chose si vous voulez, mais je
ne vais pas vous guérir monsieur ! ”
Je ne comprends plus. La colère m’envahit, la machine s’emballe et
ma réponse fuse. » C’est vous le spécialiste, ce n’est pas à moi a choisir ! le
jevtana n’a pas fonctionné, le taxotère, après de bons résultats, n’a plus eu d’effets
positifs, quant à autre je ne sais pas ce que c’est ! »
« Je ne vous propose pas le taxotère à cause de sa toxicité ».
« Oui, laquelle ? »
« Vous allez perdre vos cheveux, et voir le retour de vos
paresthésies »
« C’est gentil de penser à cela, mais je m’en fiche royalement,
les effets indésirables, c’est mon problème, et je les accepte, ce que je
souhaite, c’est que cela ait un sens, pas de chimio pour faire une chimio si
cela ne doit rien donner »
Petit moment de flottement. « Bon, écoutez, il faut faire quelque
chose (déjà entendu !), je vais réfléchir, mais on ne va pas perdre de temps,
dés lundi on commence une chimio, je vous dirai laquelle à ce moment-là.
OK, marché conclu. Un plan B se dessine dans mon esprit. Cela fait
deux ans que je combats cette saleté de cancer, c’est ma troisième ligne de
chimio, la dernière, il me reste encore quelques pistes à explorer, je vais
jouer mon dernier atout, ma généraliste.
Rendez-vous est pris pour lundi matin. Nous nous quittons sur
cette décision.
Je fais part de mon idée à ma compagne, qui n’arrive plus à gérer
ces mauvaises nouvelles.
Mercredi matin, je file au labo pour mon bilan, et prends rendez-vous
avec ma généraliste, pour midi.
Je sais pouvoir compter sur cette personne. Entre-nous pas de
filtre, les réponses, bonnes ou mauvaises, sont claires, sans détour, c’est ce
que nous avons convenu. Comme d’habitude, c’est moi qui lui amène les derniers
rebondissements.
Je lui demande d’interférer auprès de l’oncologue pour clarifier
les choses, pour connaître le fond de sa pensée. Elle accepte. Puis j’enchaîne
sur les tests génétiques et les essais thérapeutiques. Pourquoi cela ne m’est
il pas proposé ? Que peut-elle faire dans ce sens. Je précise que je suis prêt
à aller à l’autre bout de la France ou à l’étranger si nécessaire.
Elle me propose de voir avec tous les oncologues qu’elle connaît
si quelqu’un a des pistes ou des entrées pour ce type de prise en charge. Voilà
une réponse comme je les aime ! Elle va aussi essayer de contacter divers hôpitaux
susceptibles de répondre favorablement. Elle me prépare aussi un dossier
complet, et je me prépare à récupérer le mien à Bordeaux Nord.
L’opération va se mener en parallèle avec mes chimios, pas
question de couper les ponts avec mon oncologue, du moins pour l’instant. Nous
nous quittons, elle doit me contacter dès qu’elle a des nouvelles.
Je ne le sais pas encore, mais c’est moi qui vais la rappeler le premier, car un nouvel élément va intervenir avant la fin de cette journée.
Je ne le sais pas encore, mais c’est moi qui vais la rappeler le premier, car un nouvel élément va intervenir avant la fin de cette journée.
Les résultats de mon bilan sont tombés dans la boîte mail. Et moi,
je vais tomber à la renverse en les consultants.
Mon taux de PSA était de 32,85 en octobre. Aujourd’hui, 562 !
explosif !
Une fois la déflagration terminée dans mon cerveau, je transmets
les résultats à la secrétaire du cabinet médical.
A 20 heures, appel de ma généraliste. Elle a rapidement contacté l’oncologue.
Ce dernier propose une nouvelle molécule, la famille des anthracyclines.
Ces molécules viennent
se loger au niveau des brins d’ADN pour former un complexe avec l’ADN et la
topoisomérase II (enzyme impliquée dans la transcription de l’ADN, c’est-à-dire
dans la traduction de l’information contenue dans les gènes en protéines
fonctionnelles). La formation de ce complexe aboutit au blocage de la
transcription et concourt ainsi à limiter la division des cellules cancéreuses
et l’extension des tumeurs.
Les anthracyclines
provoquent par ailleurs la formation de radicaux libres d’oxygène, à l’origine
d’un pouvoir oxydant délétère pour les cellules cancéreuses.
L’élimination se
faisant par le foie, il a l’espoir que cela agisse directement sur la
métastase. Voilà quelque chose qui a un sens ! Me voici donc reparti pour
quelques séances de chimio.
Nous convenons de patienter un peu pour le plan B,
le temps de voir si cela fonctionne.
Le problème de ce
produit (il faut bien qu’il y en ait un !) C’est une toxicité élevée au niveau
cardiaque. Ceci implique une surveillance accrue.
Pour ce qui est des
PSA, nous discuterons lundi de l’opportunité de continuer le décapeptyl, qui
manifestement n’a plus d’action, ou de changer de molécule.
En conclusion, il y a
toujours un infime espoir, je prends tout ce qui se présente et ne lâche rien !
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