Bénédicte, c’est mon nouvel ange gardien, du moins pour
quelque temps. Je viens retrouver la clinique, avec l’espoir d’obtenir de
nouveaux éléments positifs. Mais pour la première fois, mon armure de guerrier
est restée au placard, je n’arrive plus à me protéger des évènements, mon
esprit est à la dérive.
Le week-end fut difficile. J’ai annulé auprès de mes amis la
proposition de m’aider à finir de démonter mon fourgon pour qu’il puisse passer
le CT. ma seule priorité, un besoin intense de me retrouver seul.
J’ai trouvé un peu d’énergie pour faire du vélo. L’assistance
électrique, c’est vraiment génial. Malgré la fatigue, j’ai parcouru une dizaine
de kilomètres sans souffrance. Mais le reste du temps, mes activités sont
réduites à néant, le corps n’en veut plus.
Mon premier souci, c’est le moral, qui est au plus bas.
Broyer du noir à longueur de journée n’est pas une solution, mais pour le
moment c’est la seule option qui s’impose à moi.
Je suis miné par l’inquiétude, mais pas pour moi, pour mes
proches, particulièrement ma mère qui, a 85 ans, commence à se trouver en
difficulté. Elle ne connaît pas la réalité de ma situation. Je souhaite qu’elle
intègre une RPA, mais elle a peur et refuse de passer le cap. Je ne lui suis d’aucune
aide.
Pourtant, si elle accédait a cela, cela me permettrait de
vendre ma maison, où elle réside, et d’assurer ses vieux jours. Je ne sais que
faire, peut-être lui dire toute la vérité, c’est violent, mais cela peut
permettre de déclencher sa décision. Il me faut peut-être arrêter de la
ménager. Je compte l’affronter ce week-end, et lui faire comprendre que les
choses ne vont pas suivant la logique. Celui qui va partir le premier, c’est
moi.
Je suis touché par vos messages de soutien, vos
encouragements à ne pas lâcher. Mais l’armure est fissurée de toute part. Même
ma colère n’est plus suffisante pour m’insuffler la force nécessaire à
continuer le combat. Durant plus de deux ans, une part de mes lecteurs à puisé
dans mes écrits de l’espoir et de l’énergie pour leur propre combat. J’en suis
heureux. Continuez à y croire. Quand on arrive au bout du rouleau, c’est plus
compliqué, mais il reste toujours un petit truc auquel s’accrocher.
Le mal qui me ronge est le plus fort. Cette retraite tant
attendue, tous ces projets échafaudés réduits à néant par la maladie, un
quotidien de plus en plus morose, ou mes envies de voyage ne se concrétisent qu’au
travers des reportages de Arte. Les réglementations imbéciles qui me privent de
mon seul moyen d’évasion, mon « Carpe diem » qui est à l’arrêt. Tout cela
contribue a accélérer ma chute, mais malgré des propos pessimistes, je suis
encore vivant et ne compte pas lâcher l’affaire comme cela.
Quand le me relis, je vois bien que tout cela va a l’encontre
de ma nature. Je suis un guerrier solitaire, je me suis toujours pris en main
devant les problèmes de la vie. Aujourd’hui, Je suis profondément touché. Le
bateau est à la dérive, je ne suis plus au gouvernail, mais il flotte encore.
Il est peut être temps que je reprenne les anti -dépresseurs
que ma généraliste m’a généreusement octroyés.
Bénédicte est une jeune femme frêle, avec un air toujours un
peu triste. Chacun de ses mots est pesé, elle avance avec précaution, mais ne
refuse pas le dialogue et les questions embarrassantes.
Elle ne peut me donner les résultats de la scintigraphie.
Elle pensait que je les détenais. En fait ils se sont perdus dans les couloirs !
elle va mener l’enquête.
Pour le scanner, tout est clair. Les images montrent bien l’évolution
au niveau hépatique, confirmé en cela par le bilan sanguin. C’est le plus inquiétant.
Les poumons présentent aussi quelques traces de métastases,
mais cela reste encore limité.
La commission n’a pas eu lieu cette semaine, je vais devoir
attendre. Mais elle n’est pas restée sans rien faire. Elle a quand même évoqué
mon cas.
Pas de chimio aujourd’hui. Elle estime que cela ne me rend
pas service, les résultats montrent l’inefficacité du traitement, et mon niveau
de fatigue est trop élevé. Je dois récupérer avant d’envisager autre chose.
L’hormonothérapie ne fonctionne plus, mais il faut la
maintenir. Donc, le décapeptyl, cela continu ! Mais on va lui adjoindre un
autre traitement, le Xtandi. 160 mg par jour, sous forme de comprimé, a
avaler en une seule prise.
Bien sûr ce traitement va de pair avec une kyrielle d’effets
indésirables ! a voir dans les semaines à venir.
Bénédicte cherche à me placer sur Bergonié, dans un essai
thérapeutique d’immunothérapie. Pour cela, elle a décidé de continuer à me
suivre, à la place de « Gaston » qui je le rappelle est en vacance ! Je suis
vraiment content qu’elle prenne le relais !
La réponse dans un mois, à notre prochaine rencontre. D’ici
là, je suis libre, en dehors de deux bilans sanguins à faire.
La flamme de la vie m’anime encore, mais elle ressemble à
celle d’un chauffe-plats, alors que j’espère celle d’un chalumeau ! Pour la ranimer,
nous projetons de trouver une location de dernière minute quelque par en Bretagne,
et d’aller ce ressourcer quelques jours, tranquillement, car mon corps ne suit
pas mon esprit, il y a un gros décalage entre mes désirs et mes capacités
physiques !
Mais je reste sur mes gardes, car la maladie est sournoise,
et l’introduction d’un nouveau traitement peut amener son lot de surprises et
de déconvenues !
Pour l’instant, nous essayons de réaménager mon quotidien.
Je viens de capituler sur un point. Je quitte l’étage de la maison. Changement
de chambre, direction le rez-de-chaussée. Il m’est devenu trop compliqué de prendre
l’escalier, le fatigue prenant le dessus. Pour l’instant, mes nuits se passent
dans le canapé, en attendant que la nouvelle chambre soit adaptée à mes
problèmes.
Au moment où je parle, il n’est pas question pour moi de quitter
le plan terrestre. Le seul au-delà que j’accepte, c’est celui qui se trouve
hors de mon département, la Bretagne ! il y a la bas des voiliers, des marins
aguerris. Je vais aller y puiser d’autres ressources pour continuer ce voyage
de fou commencé en décembre 2015...
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