La nuit fut mauvaise, cela était prévisible. Impossible de
dormir ailleurs que sur la canapé, la sensation de manque d’air étant
permanente.
Nous reprenons la route de Bordeaux Nord... dans le silence.
Mon humeur est toujours aussi noire.
L’équipe du service hospitalisation oncologie n’est pas la
même. Je raconte mon histoire, personne ne semble au courant. Le temps qu’ils
se renseignent, ils me redonnent la chambre de la veille. Ma première action
est d’ouvrir la fenêtre.
Deux infirmières me rendent visite. Une scintigraphie est
programmée pour cet après-midi. Je ne vais par rencontrer mon onco car... il
est en vacance pour plusieurs jours.
Ma colère qui ne s’est pas encore éteinte trouve en cela de
quoi la suralimenter ! J’ai vraiment le sentiment d’être pris pour un pingouin !
Les infirmières réagissent rapidement pour éviter le tsunami
qui se prépare. Elles me proposent de rencontrer une remplaçante que je connais
déjà et qui souhaite prendre le relais vu qu’elle connaît bien mon cas.
Vers midi, la promesse est tenue. L’infirmière revient
accompagnée de l’oncologue. Une femme avec laquelle j’ai déjà eu à faire lors d’un
remplacement et avec qui le feeling est bien meilleur que Gaston.
Elle n’arrive pas les mains vides. Elle dispose des
résultats de la veille. Au niveau sanguin, c’est correct. Par contre le scanner
démontre une évolution galopante de mon colocataire.
Il est hors contrôle, se répandant dans tout le corps. Le
foie bien sûr, mais aussi les poumons. Il semble y avoir une prolifération au
niveau osseux, mais la scinti donnera plus de précision.
Pour elle, il est temps de modifier profondément le
traitement. Elle va présenter mon cas en commission mercredi ou jeudi. Elle
pense qu’il faut arrêter le décapeptyl et le remplacer par une autre
hormonothérapie. Pour la chimio, elle va en discuter.
Nous parlons aussi d’essai thérapeutique en immunothérapie.
Elle pense que c’est une piste à exploiter. Faut-il que je sois éligible pour
rejoindre un de ces protocoles. Faut-il qu’il y ait des places.
De toute façon, elle va prospecter. La seule chose qui est sûre,
si je suis accepté, je vais devoir changer d’hôpital. C’est le cadet de mes
soucis.
Elle ne cache pas que la situation est critique et que sans
reprise du contrôle de mon cancer, mes jours sont comptés. C’est sur ces
nouvelles réjouissantes que nous nous quittons. Nous allons nous revoir
vendredi pour la chimio, car elle a modifié mon rendez-vous afin de me prendre
en charge.
Repas de midi aussi appétissant que la veille. Vers 15
heure, je file me faire injecter mon produit radioactif, puis commence une
longue attente.
Il est plus de 17 h, je suis allongé sur la table de « discovery »
l’appareillage dédié à la scinti. C’est long, très long. Je commence à manquer
d’air. Un combat interne commence pour que je ne cède pas a la panique. Je me
sens très mal, j’étouffe. Pourtant ce n’est pas ma première scinti.
Je crois que c’est terminé, mais non. Il y a un deuxième
round de 10 minutes. Je réclame un répit. Des minutes interminables ! je m’accroche,
ne pas interrompre l’examen, mais je m’étouffe !
Enfin on me libère, avec l’autorisation de regagner ma
campagne. Le service d'hospitalisation oncologique ressemble pour moi à
l'antichambre de la mort. C'est avec plaisir que je vais le quitter.
Je vais faire le trajet fenêtre ouverte, a la recherche d’oxygène,
l'esprit et les sens en éveil, essayant de capter la vie qui grouille autour de
moi.
Les choses sont ce quelles sont. Le combat est perdu, je ne
vais pas faire mentir les statistiques. Après trois ans, seuls 30 % des
personnes atteintes d’un cancer métastasé sont en vie. Je ne vais pas déroger à
la règle.
L’aube a fait reculer la nuit. Un jour neuf se lève. Sur ma terrasse,
j’écoute les oiseaux qui semblent joyeux, les pigeons du voisin qui roucoulent.
Les odeurs du printemps m’assaillent... mais pour combien de temps ?
Le guerrier est fatigué ...
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