Il peut m'arriver de vous recevoir,
le corps un peu las, installé sur mon ami le canapé, mais toujours avec plaisir
et un sourire. Bien sûr j'ai changé, d'abord physiquement, la balance m'annonce
ce matin, 76 kilos 800, mais aussi psychiquement, car la maladie nous fait
revisiter l'existence, comment nous l'abordons ,ce que l'on en fait. Mais tout
ceci n’a pas entamé mes valeurs, au
contraire certaines en sortent renforcées. Simplement, il m'arrive d'être en
retrait, fatigué, cela fait partie du chemin.
Dans la valeur donnée aux choses,
celle dont je compte parler aujourd'hui, c'est la relation entre le patient est
le soignant. Ce que je vais écrire n'engage que moi, c'est mon ressenti, ma
vision des choses, et cela peut être soumis à débat.
De nos jours, je vois une médecine bafouée. Ceux que l'on nomme les
pouvoirs publics n'ont qu'une idée, des économies à tout prix. Suppression de
postes, moins d’oncologues,
d'infirmiers, bref de soignants en général, mais cela touche aussi des postes
en lien indirect avec le patient, comme les secrétaires. Pourtant, il est dit
qu'il y a de plus en plus de malades, et de pathologies.
Les patients, ils courent
d’un bureau à l’autre, ce sont des queues qui se forment pour un examen, une
radio. Alors, l’hôpital fait ce qu’il peut, et en général, il le fait bien.
Mais du point de vue du malade, cela est insuffisant.
Pour développer ce sujet, je
vais vous parler un peu de moi, de mon parcours, de mes valeurs. Le premier
juillet 1977, j'ai franchi la grille de l'hôpital, pour me rendre dans le
service qui allait m'accueillir en qualité d'auxiliaire. Je venais de passer le
concours d'infirmier et avant de rentrer en formation, ils m'avaient recruté pour
l'été, pour faire office de renfort dans les équipes. J'avais tout juste dix-huit
ans. Ce métier, je le connaissais par mon père, qui en parlait avec passion. Il
est décédé lors de ma treizième année, emporté par un cancer. Ce mot faisait
déjà partie de mon histoire.
C'était le temps où les seringues se stérilisaient encore, et les
aiguilles étaient trop grosses, parfois émoussées. Le cancer se soignait à
coups de bistouri et de rayons qui brulaient tout sans distinction. Point de
scanner ou de robots capables de cibler le point à traiter.
Les études furent difficiles. Les étudiants n'étaient pas toujours
accompagnés, ils servaient souvent de bras pour accomplir les tâches les moins
valorisantes. Lors d'un stage en médecine, sœur marguerite, en uniforme et
voile blanc me fit réviser l’admiration que j’avais pour la profession.
Elle était une bonne technicienne, mais à travers elle, je découvrais qu'Il y
avait des personnes sans cœur qui exerçaient ce métier. Je me suis alors maintes
fois révolté devant les conditions de vie des patients, mais aussi face au manque d'humanité et de communication
C'est là que j'ai commencé à me
pencher sur ce que devait être un bon soignant. Dénonçant parfois ouvertement
ce qui me choquait. Les six derniers mois de ma formation furent les plus
difficiles, j'avais rompu le contact avec les formateurs et je travaillai seul
à la préparation du diplôme.
Une fois ce sésame en poche, il m'a fallu dix ans avant de me lancer
réellement dans la bataille. Dix années de réflexion, à forger ce qui allait être
ma ligne de conduite, mes valeurs. La profession était en mutation, d'autres prenaient
conscience qu'il était nécessaire d'introduire plus d'humanité et de respect
dans le soin. C'était le moment d'ouvrir son cœur et d'exercer sa profession
comme il se doit. Les années ont passé, j'encadrai souvent des étudiants, prenant soin chaque fois de leur rappeler qu'il ne fallait pas oublier qu'ils travaillent avec des
humains en souffrance, et qu'il n'y avait pas que le geste technique qui
comptait, que le relationnel avait une place de choix dans ce métier. Savoir
faire est une chose, mais le savoir-être est tout aussi important.
Les conditions de travail se dégradaient, la logique comptable prenant le
pas sur le soin. Mes valeurs commençaient à être bafouées. La lassitude s'est
installée, alors j'ai raccroché ma blouse, considérant que je ne pouvais plus
exercer mon métier dans des conditions satisfaisantes.
Une année de retraite, et je reprends le chemin des hôpitaux, ayant troqué
ma blouse contre une chemise à lie!
Le constat, c'est que l'on
soigne à la chaîne, avec des protocoles. On a beau dire que l’on soigne de plus
en plus les cancers, parler d’une survie à cinq ans. Cinq ans, cela
ne fait pas grand-chose, mais pour moi c'est beaucoup par rapport au souvenir
de mon père qui a eu droit à un an... de vie végétative.
Le cancer, il échappe à tout le monde, aux
scientifiques, aux médecins, aux infirmiers. Seul le patient sait ce qu'il en est. Le seul choix
qui semble s'offrir à nous est de rester sous la tutelle des médecins , travailler
avec eux, avec son ressenti, ses sentiments, ses peurs . Mais là,
nous nous trouvons confrontés à un manque d’humanisme du personnel soignant et
plus particulièrement les médecins et radiologues.
Pour moi, l'infirmier, Il doit être le garde du corps, au sens propre et figuré. C’est ainsi que j’ai construit l’image de ma profession. Être le
rempart qui protège le malade de l’agression. Mais voilà, c’était une autre
époque, une autre façon d'exercer ce métier, un temps où les compétences
techniques étaient peut-être moindres mais où l’humain avait sa place. L’infirmier
était considéré, apprécié et remercié par les malades et leurs familles.
A ce jour, les formations deviennent plus techniques, plus spécialisées.
L'humain est perdu de vue. Ce que je constate, c'est la surcharge de travail
des soignants, le manque de personnel, des équipes très réduites qui vous
prennent en charge, allant à l'essentiel, le geste technique. l’épuisement et
le découragement se lit sur les visages.
Ce découragement des soignants a un impact sur les malades déprimés et stressés;
il ya inévitablement
moins d’attention et d’empathie pour le soigné. Cette profession est difficile,
elle demande en permanence concentration, rigueur, compassion et empathie.
Tout ceci est anxiogène le manque de moyens et les conditions de travail doivent
représenter un combat pour la profession,
la déshumanisation des soins doit cesser, le patient n'est pas responsable de cette violence institutionnelle de plus en
plus présente. Mais comment aider le patient
tout en se préservant? J’espère que le personnel soignant va s’impliquer
dans la défense de son métier, qu'il ne va pas se laisser enfermer dans ce système où d’autres décident
tout pour lui. Il est primordial se ne pas oublier que le patient est une personne avec des sentiments, de
la peur liée à sa pathologie. Il n’est pas juste un numéro de dossier. Il a un
besoin vital d'empathie, de communication, d'être considéré.
d'informations, sans être infantilisé, chaque patient a le droit d’être
considéré comme adulte. Dans un service
de cancérologie, il vient pour essayer de sauver sa vie, ou du moins, la
prolonger, il n'a pas un simple rhume!
Alors chers
collègues infirmiers, ou futurs infirmiers, ce premier regard que tu vas poser sur
le patient, il doit être accompagné d’une parole, d un sourire, d'une petite attention.
Ceci va créer un lien. Alors, réfléchis, celui qui est devant toi est vulnérable,
il attend de toi que tu le soulages, que tu écoutes sa plainte, prête donc plus d’attention
à cette bienveillance qui a parfois disparu. Le stress de la surcharge de
travail ne doit pas prendre le dessus, la technique ne doit pas faire oublier
l'humain. Pense a réévaluer régulièrement ta pratique, tu éviteras la routine, continuera à
apprendre, et que tu deviendras un soignant, empathique et non robotisé!
Mais, ne
soyons pas trop critiques, dans l'ensemble, chacun essaye d'amener ses
compétences et de l’humanité dans le soin... enfin, presque chacun
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