Pourquoi a-t-on utilisé l'allégorie du crabe pour
parler de cette maladie ?
Le mot "cancer" a été associé pendant très
longtemps à la souffrance et à la mort et possède actuellement une connotation
très péjorative. Il ya un terme pour
nommer le cancer qui est souvent utilisé, le mot crabe. Je me suis posé la
question, d'où vient cette appellation ? La réponse varie selon les documents consultés.
Voici un condensé de ce que j'ai pu trouver pour assouvir ma curiosité.
Le mot cancer tire son origine du mot latin homonyme
qui signifie crabe. C'est Hippocrate qui, le premier, compare le cancer à un
crabe par analogie à l'aspect des tumeurs du sein avec cet animal lorsqu'elles
s'étendent à la peau.
Le cancer était déjà
connu au moyen âge. On pensait à cette époque que c'était une sorte de crabe
qui mangeait l'organisme de l'intérieur
La médecine arabe de la fin du premier millénaire,
très en avance sur le reste du monde, est marquée par les travaux de quelques
praticiens visionnaires. Il est recommandé l'excision lorsque le cancer est en
début d'évolution, et il est préconisé de brûler les tissus avoisinant la
tumeur. Ceci est en fait encore pratiqué de nos jours !
En Italie, on assiste du XVIe au XVIIe siècle à de
grandes découvertes grâce aux autopsies enfin autorisées par l'église. Il est découvert
les bases du fonctionnement du système lymphatique dont le rôle est déterminant
dans la dissémination du cancer par les métastases qui sont des tumeurs
secondaires, fruits de la propagation de la tumeur initiale. Premier
spécialiste du cancer du sein, Marco Sevirini décrit les différentes
excroissances mammaires, les dessine précisément, et préconise d'enlever toutes
les tumeurs, qu'il nomme abcès, avant qu'elles ne dégénèrent.
Gui Patin, le doyen de la Faculté de médecine de
Paris, lui, ne sait que faire. Faut-il suivre Hippocrate qui affirmait qu'il ne
faut pas opérer ? Ou au contraire, extraire la tumeur, comme le suggérait
Galien au IIe siècle ? Il choisit finalement une voie
médiane parfaitement inutile : brûler la tumeur au fer rouge. C'est
l'époque où les chirurgiens anglo-saxons inventent la maxime Cut, Burn and
Hope, en français "coupe, brûle et espère"... Superbe !
le XVIIe siècle connaît une terrible régression.
Sous l'influence du professeur allemand Daniel Sennert, le cancer devient
soudain une maladie contagieuse ! Pendant deux siècles, toutes les
théories précédentes sont remises en cause. En conséquence, on isole les
cancéreux comme des pestiférés ! Idée qui a longtemps dominé notre pensée !
Il faut attendre le XVIIIe siècle pour avancer
un peu dans la compréhension de cette maladie mystérieuse, qui semble choisir
ses victimes à l'aveugle et ne fait pas de quartiers. Grâce à la généralisation
des autopsies effectuées pour trouver la cause des décès, les praticiens
découvrent l'ampleur du désastre : la majorité des tumeurs vivent cachées
à l'intérieur du corps, et sont la cause d'un grand nombre de morts précoces.
Le Français Henri-François Le Dran théorise
précisément la propagation de la maladie par les canaux lymphatiques vers les
ganglions. On comprend désormais pourquoi le cancer peut migrer par exemple des
poumons vers le foie ou le cerveau. Il réalise que si les ganglions sont
touchés, le cancer est grave. Juste après, Xavier Bichat précise le concept
de métastases.
Ce n'est que tout récemment, à la fin du XIXe siècle
avec l'allemand Virchow que la médecine comprend que les tumeurs sont le fruit
de cellules folles qui se multiplient de manière anarchique, hors de tout
contrôle. La chirurgie, encore rudimentaire, est à cette époque le seul
traitement...
Des progrès importants seront faits au
XXe siècle, mais la fameuse "guerre contre le cancer", déclarée
en 1971 par le président américain Nixon, promettant l'éradication de la
maladie avant 1990. Échec, malgré des moyens colossaux. Le volontarisme
américain n'a pas suffi. La faute à une vision naïve de la maladie, dont la
complexité échappait encore totalement à la communauté scientifique. Les
connaissances de base de la maladie étaient insuffisantes. Personne ne pouvait
soupçonner l'incroyable complexité de la machinerie génétique qui contrôle la
cellule cancéreuse...
Les pinces angoissantes du Crabe peuvent s'abattre
sur chacun d'entre nous ou sur nos proches. A l'ère de la technologie et de la science
triomphantes, cette menace est particulièrement déstabilisante . Chaque humain
est unique, chaque tumeur l’est aussi.
Je viens de passer ma dix-huitième séance de
radiothérapie, la moitié du chemin est parcouru. je chemine encore main dans la
pince avec cette entité, et surement pour longtemps. Les effets des traitements
sont dévastateurs sur le corps, par contre, nous pouvons dire que nous avons la
chance de vivre au vingt et unième siècle, cela nous évite le fer rouge!
Les avancées sont encore insuffisantes, mais que de progrès
dans la compréhension de cette maladie ! Nous sommes encore les cobayes qui
permettront aux générations futures de vaincre ce fléau. Que nos souffrances
servent au moins à cela. Si l'argent récolté par la vente de sous marins aux
pays étrangers pouvait être reversé à la recherche ... des armes de destruction
pour sauver des vies ... un paradoxe, mais je crois que je me berce d'illusions
! Il faut bien rêver parfois et espérer même ce qui parait inconcevable !
Je vais, comme des millions de personnes, continuer
ce chemin, avec mes doutes et mes espoirs, observer la science et ses progrès, gérer
mes douleurs et mes angoisses. Laisser le mot crabe de côté, mon image de cet
animal est toute autre. Je préfère continuer de parler de mon alien ou de mon
colocataire indélicat. Le passage actuel est difficile, mais je vais continuer à
narrer mon histoire sur le blog, ce témoignage sera ma contribution à la lutte
contre cette maladie.
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