Chimiothérapie, la quatrième.

Il est 6h30, le réveil sonne le top départ pour le nouveau protocole de soins. La nouvelle série de chimio et le début de la radiothérapie. La nuit fut difficile, mon abcès dentaire m'a parasité. Il s'est percé et partiellement vidé, ce qui me soulage un peu au niveau de la douleur.
Il faut dire que la journée d'hier fut une journée vide.

 Levé de bonne heure pour aller faire mon bilan,  je retrouve le reflet de Quasimodo dans mon miroir. Je lui dis que mon Esmeralda dort encore et que je vais donc m'éclipser sans la réveiller.  Au labo, c'est comme à la pharmacie. Plus besoin de se présenter. La secrétaire prend même des nouvelles sur l'évolution de mon état. Tout le monde est sympa, compatissant, encourageant. Je suis piqué avec dextérité, mais la chimio commence son effet destructeur, la veine collapse, le débit est réduit. Cela fait qu'il vont devoir trouver un autre point de ponction avant la destruction totale de cette veine. Je me sens très fatigué, je vais d'ailleurs passer la majeure partie de la journée à dormir. Les résultats du bilan arrivent dans l'après-midi. Mes défenses immunitaires commencent à chuter, rien d'alarmant pour l'instant.  Pas le courage de me mettre à écrire. Je découvre quelques sujets qui m'interpellent sur internet et les partage sur Facebook. Ma seule activité de la journée.

En ce 24 mars, mon lever est difficile. Je me sens de mauvaise humeur, le manque de sommeil se fait sentir. L'abcès est réduit, mais encore bien visible. Nous prenons le chemin de Bordeaux. Il a gelé, la campagne est belle, les bouchons sur l'autoroute beaucoup moins. Nous prenons un itinéraire de délestage pour ne pas perdre trop de temps. Pari gagnant! Nous sommes à l'heure.

 Je me retrouve rapidement dans le bureau de l'oncologue. Il est très satisfait de mon bilan, ma légère chute est normale. Mon ange gardien est beaucoup plus bavard qu'à l'accoutumée et souriant. Il répète " cela va marcher, vous réagissez bien".

Il est 8h45 quand je pénètre dans la salle de chimio. Il y a une seule infirmière qui semble débordée. Elle nous invite à patienter, car il y a un problème de personnel. Elle se démène comme une diablesse pour assurer l'administratif, recevoir les patients qui commencent à affluer, préparer les perfusions, perfuser... Je souffre pour elle, la situation est inconfortable et le risque d'erreur présent. D'autant plus que  les patients sont parfois...impatients. À 9:15 se présente une vieille connaissance. L'infirmière qui m'a pris en charge lors de ma première chimio. Elle semble plutôt insensible au stress de sa collègue. Elle prend son temps, tourne, vire, et passe à l'action, en m'appelant.....  J'ai du faire une drôle de tète, car elle ne faisait pas partie de mon scénario. Pas de veine!

"Comment vous pique-t-on" me dit-elle. Mon côté espiègle me pousse à dire "avec une aiguille!"  Je chasse cette vilaine pensée et lui présente mon bras gauche, " ici de préférence"

Je suis sur le fauteuil de torture. Elle se met sur l'ordinateur pour consulter mon dossier. Elle n'est toujours pas à l'aise avec la machine. Lourd silence. Elle sort de la salle pour s'entretenir avec sa collègue. Cette dernière pointe le bout de son nez et me lance " je m'occupe de vous".

C'est confirmé, pas de chambre implantable, donc elle délègue. Je suis soulagé, elle accepte de se retirer, ne se sentant pas compétente. Ce qui m'intrigue, est, que fait elle dans ce service ou l'on pique à tour de bras? Je vais découvrir la vérité plus tard (Suspens!)

La petite dame en bleu est surement la plus expérimentée du groupe. Elle reçoit le renfort d'une jeune infirmière, qui en fait, a eu une panne de réveil. Quoi de plus humain!

Je suis piqué avec dextérité, seul petit bémol, la fiche qui est accrochée à mon appareil n'est pas la mienne, mais celle de mon voisin d'infortune, qui lui, a la mienne! Et bien sûr, nous n'avons pas les mêmes produits. Heureusement, la jeune infirmière qui a passé une bonne nuit s'aperçoit de l'erreur, l'honneur est sauvé! nous aussi!

Leçon a retenir: toujours vérifier la fiche et le produit que l'on va vous injecter. Le stress, la fatigue, peut être source d'erreur. C'est compréhensible, au patient de se montrer un minimum vigilant, (je défends mon ancienne corporation). Le reste de la séance s'enchaine sans problème particulier. Le malaise de début de séance tant redouté s'est avéré minime cette fois-ci.  Et l'infirmière me direz vous! Je vais mettre un terme au suspens. J'ai eu le temps de l'observer. Porter des paquets, ranger les casques réfrigérants, faire quelques papiers. Qui est elle? La cadre bien sûr! Comme beaucoup de cadres, elle n'est pas vraiment sur le terrain, ses taches sont différentes, mais ici, elle semble être comptée dans l'effectif actif auprès du patient, mis à part qu'elle ne pratique plus suffisamment, et la technique s'est un peu émoussée! Sans rancune, madame, vous m'avez quand même accordé un sourire!

Chimio terminée. Je passe à la suite, 1h30 d'attente pour le scanner de centrage en vue de la radiothérapie. Tout commence par un entretien. Tout m'est expliqué. Le comment, le pourquoi, les résultats attendus, les contraintes, les précautions à prendre... heureusement une fiche résume tout cela. J'adopte la tenue d'Adam, ou presque, et m'installe inconfortablement sur la table du scanner. Le radiologue va d'abord me scanner en entier, repérer les points à traiter, poser des petits scotches sous lesquels sont placés des petits plombs de chasse (eh oui, un peu archaïque, mais astucieux) qui vont marquer les cibles. Nouveau scan de réglage avant de me tatouer afin de fixer les points à irradier.

Les beaux jours arrivent, vous souhaitez réaliser un joli petit tatoo qui mettra vos atouts en valeur ? Ultra sexy et bien placé... ne venez pas là! Je vais faire un peu de pub pour un ancien collègue reconverti dans l'art du tatouage. " Tatoocompris" à podensac, c'est fin, c'est beau et créatif!  ( Salut Stéphane!)

À bordeaux nord, c'est inesthétique, pas sexy, douloureux, surtout celui placé au niveau du pubis! Ils sont censés ne pas être définitifs. Encore heureux!

Je suis en train de devenir tout ce que déteste ma compagne. Tatoué, crane rasé, ventripotent, barbu... Non, cela n'est pas possible, l'hormonothérapie à bloqué la pousse de la barbe, c'est mon dernier atout pour encore lui plaire, physiquement j'entends.

Enfin de retour à la maison. Je ne suis pas fatigué, voire excité, encore l'effet corticoïde! À compter du 25, je suis tous les jours sur la route pour mes séances de radiothérapie durant 6 semaines pour commencer, avec bien sûr une petite séance de chimio au milieu, il n'est pas question de laisser de répit à mon colocataire. Un véritable marathon!

À ce stade, je n'ai qu'un seul désir, que tous ces efforts, cette souffrance, servent a quelque chose. Je sais qu'il ne va jamais me lâcher, mais j'espère ne lui laisser que l'espace dans le cagibi, sous l'escalier. Le reste de la maison m'appartient ! il n'y est pas le bienvenu!