l'humanité est touchée par ce fléau que l'on nomme cancer. Ce mot qui fait peur, mot qui tant que l'on est pas touché, nous essayons de laisser loin de nos pensées. Pourquoi ce nom, Antidote, parce qu'aujourd'hui, je fais partie, de ces hommes et de ces femmes qui réalisent tout ce que cela implique, ce bouleversement majeur de sa vie. Sa vie ... elle ne tient qu'à un fil, l'espoir que la science à les outils qui vont te sauver. Alors Antidote pour essayer pour partager, échanger, se renseigner, exorciser sa peur , espérer... l'écriture pour aider.

23 févr. 2016

Troisième chimio



La voiture file sur l'autoroute en direction de la clinique bordeaux nord. Mon esprit divague. Généralement je ne vais jamais en ville, je suis accroché par le corps et l'esprit à ma campagne. La ville je ne la comprends pas, je ne sais pas l'utiliser. Je ne me vois pas vivre agglutiné dans ces espaces restreints, ou la nature n'a que peu de place. Mon ami GPS nous guide d'abord vers les quais. Là, je dois avouer que je ne suis pas insensible à la beauté de ce lieu, magnifique transformation de l'environnement et beauté de l'architecture. Puis nous entrons dans ce dédale de petites rues, gain de temps par rapport aux boulevards. Je trouve cela déjà moins sympathique. Puis nous arrivons face à ces vieux immeubles, ce que je nomme des clapiers. Concentration humaine maximum dans un espace réduit. Pas de recherche architecturale, pas de volonté d'aérer et embellir le cadre de vie. Un parcours qui montre une grande disparité entre les quartiers chics et ceux des classes populaires. Je trouve toujours cela pitoyable, la sélection par l'argent. Cela m'amène à penser à la santé qui subit les mêmes effets. J'ai la chance d'avoir Bordeaux à proximité et de me moquer du prix que  cela va me couter. Il est question de vie humaine. Mais je connais des gens qui choisissent pour des raisons pécuniaires, de se faire suivre dans des lieux ou le plateau technique est moins adapté, parfois moins performant. Nous devrions tous avoir les mêmes droits. Et encore, il ne faut pas trop se plaindre, nous vivons encore dans un beau pays, certains n'ont pas cette chance.

Galère pour trouver une place de stationnement. Mais nous sommes en avance, comme toujours. Passage au bureau puis, le stress aidant, le rituel des toilettes! Dans la salle d'attente, je croise des visages connus, compagnons d'infortune. Cette dame devant moi, au visage fatigué, le teint terne, le regard triste. Son mari l'accompagne, plein de tendresse et de prévenance envers elle. C'est son tour. Quelques minutes avec l'oncologue et elle sort, le corps vouté, direction la salle de torture. Je pénètre dans le bureau, toujours accompagné de ma fidèle compagne. Je devrais avoir l'esprit serein vu que mon bilan est bon, mais mon cerveau en décide autrement. Mon ange gardien est devant moi, le visage impassible, il relit mon dossier, consulte les résultats, prend des notes sur son ordinateur, tout cela dans un silence pesant. Puis il me demande comment se sont passées ces trois semaines. J'explique. Parfait dit il. C'est la dernière chimio de cette séquence, vous revenez dans trois semaines pour un scanner de contrôle, puis nous aviserons. Il me remet les papiers nécessaires pour la préparation de la séance, une petite claque sur l'épaule en guise d’au revoir et surement signe d'encouragement, et voilà, c'est tout. Au suivant! Pour lui c'est la routine, pour moi il manque un peu de chaleur humaine, je ne suis pas un pion, un sujet quelconque, je suis moi, un être en détresse comme les centaines de gens qui passent dans son bureau. Je ne lui demande pas de me faire un câlin !  juste un peu plus de chaleur. Mais il reste mon ange gardien ...je le respecte, je lui devrais peut-être un jour la vie, pour l'instant il incarne l'espoir.

Je pousse la porte de la salle de chimio, je suis presque comme chez moi. Mes petites infirmières sont là. Peu de patients dans la salle contrairement aux autres fois. Laquelle va me prendre en charge! Zut, c'est un barbu qui s'approche de moi, je ne le connais pas. Un rapide coup d'œil sur son badge...élève infirmier...j'ai encore perdu à la loterie ! J'aime bien les élèves, il faut bien commencer un jour, mais je ne pense qu'à mon capital veineux. Je réclame mon box, pas question de faire cela dans la salle commune, j'obtiens le rose. (  Il faut savoir qu'il y a toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, je finirai surement par parcourir toute la gamme! ) Direction la salle de branchement, accompagné de Matthieu, le barbu. Face à moi se trouve la dame rencontrée dans la salle d'attente. Elle m'adresse un sourire, plein de tendresse. Je lui réponds de la même manière, pas besoin de mots, nous nous comprenons. Mathieu est bavard, tant mieux! il est en troisième année, dans six mois il est officiellement infirmier. Cela me rassure, pas longtemps ... Je vois vite que son bavardage sert à masquer son stress. Le mien monte d'un cran. Il sait que j'étais infirmier, je n'aurai jamais dû donner mon ancienne profession, les étudiants, cela leur met une pression supplémentaire. Ces gestes sont lents, peu assurés. L'aiguille pénètre lentement dans ma veine, je la sens passer!!! Chacun de ses mouvements entraine une douleur, sales moments. Je m'installe dans le box avec mon attirail. C'est parti pour deux heures. Le flacon de taxotère se libère dans mon corps, j'attends l'instant difficile. Il ne tarde pas à se manifester. Oppression dans la poitrine, puis le cerveau semble entrer en ébullition. Je me sens mal, régule ma respiration. J'ai la sensation de visualiser le produit qui se repend dans mon corps, je suis son lent cheminement. La tète, le tronc et les membres, puis les jambes, jusqu'au bout des orteils. Le malaise cesse aussi brutalement qu'il est arrivé. Le reste de la séance se déroule sans encombre. Mathieu, le retour. Il me débranche. Là aussi je le sens passer. C'est la première fois que le fait de retirer l'aiguille est douloureux. Je lui pardonne, il encore du chemin à faire.
Le retour à l'air libre est un grand soulagement. J'ai faim. Sur le retour nous allons piller une pâtisserie et c'est sur le parking que je savoure mon mille-feuille au chocolat, que du plaisir! Et les nausées? Toujours pas! Je retrouve avec satisfaction ma campagne. La suite je vous la raconterai demain, car pour l'instant une irrésistible envie de dormir vient toquer à ma porte...

3 commentaires:

  1. Ce que tu raconte est un film déjà vu pour moi et je l'ai surement mis sur mon blog avec mes mots. Ta façon de l'exprimer m'a beaucoup ému. Tu as bien eu raison de prendre la plume pour faire ce blog, c'est une plume de qualité qui exprime une sensibilité et une humanité que l'on ne rencontre pas tous les jours.

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  2. Merci pour ce commentaire chaleureux. Bien sûr tu as déjà vécu cela et raconté avec tes mots. Ce sont des moments extrêmement difficiles à vivre, gravés à jamais dans notre esprit. Je n'avais jamais, malgré mon métier, réalisé l'ampleur du sentiment de solitude et de désarroi qu'un patient peur ressentir face à la maladie, même s'il est bien accompagné. Il m'est arrivé de penser, en tant que soignant, " j'en ai marre de la maladie et de ces gens qui se plaignent" aujourd'hui, je suis de l'autre côté de la barrière, et je regrette ces pensées, car tout s'éclaire. Mais je comprends aussi les soignants qui sont aussi des êtres humains, et flanchent parfois, car c'est un métier éprouvant, dans lequel on finit par banaliser certaines situations au point de perdre de vue la souffrance du patient.

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  3. En relisant mon texte, je viens de voir une faute de frappe troublante. Dans la phrase "sentiment de solitude et de désarroi qu'un patient peur ressentir" le mot peut s'est transformé en peur! Le R et le T sont cote à côte sur le clavier, donc il est facile de se tromper. Mais dans cette situation je crois que mon esprit n'y est pas pour rien! Lapsus révélateur!

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